XVIIème Session – Partie 4 – Chapitre 16 : Ce qui pourrait fonder le leadership du 21ème siècle
PARTIE 4 : LEADERSHIP
CHAPITRE 16 : CE QUI POURRAIT FONDER LE LEADERSHIP DU 21ème SIÈCLE
Peut-on définir le leadership ? Est-ce un concept historiquement déterminé qui présente à chaque étape de notre Histoire des caractères propres ou est-ce une notion intemporelle? Étymologiquement (to lead) on peut aborder la notion de « guider » ou « conduire ». Il s’agirait donc de définir le cap (vision et objectifs), la route à emprunter (la stratégie) afin d’y emmener ses équipes, ses troupes, son peuple (capacité d’entraînement, de mobilisation, d’enthousiasme…et d’adhésion) et finalement la manière d’atteindre les objectifs (tactique)?
On peut aussi identifier les manifestations du leadership dans différentes dimensions : technique, managériale, charismatique. Ces manifestations se retrouvent à tous les niveaux de la société, dans des dosages très variables. Dans tous les cas, il s’agit pour celui qui l’exerce d’acquérir une légitimité, au-delà des principes hiérarchiques.
Dans un contexte de crise de l’autorité, corollaire du leadership, les pressions pesant sur les chefs se multiplient. D’abord les menaces planétaires sont de plus en plus nombreuses: surpopulation, migrations de masse, inégalités, changement climatique, combinées à l’extension des violences et des conflits armés, qui favorise le terrorisme et le retour des Etats puissances. Comment apporter une réponse à ces angoisses et ces peurs? Ensuite la « dictature » du court terme, dans le domaine économique ou politique, avec l’obsession de la performance immédiate, pénalise grandement la nécessaire vision stratégique pour construire une destinée. Dans ces conditions, comment réussir à retrouver la notion du temps long?
Par ailleurs, les nouvelles technologies nous invitent à réfléchir sur la bonne utilisation de la science et aux usages politiques des moyens qu’elles nous offrent. Le progrès technique nous met face à des défis inédits, créant des angoisses nouvelles. Comment y répondre?
Enfin, la perte de sens ressentie au sein de nos sociétés qui se traduit par l’effritement du socle de valeurs partagées sur lequel elle se fondent, favorisant l’expansion de l’individualisme.
Le 21ème siècle nécessitera donc une conception plus large du monde dont seuls seront capables les leaders visionnaires et les organisations prêtes à affronter les enjeux à venir. Les leaders du 21ème siècle devront montrer la marche à suivre pour anticiper les transformations de notre société., convaincre et fédérer les énergies au service de la réussite collective, quel que soit leur niveau de responsabilité ou leur médiatisation. Deux grandes conditions apparaissent comme indispensables à la restauration d’un leadership efficace. D’abord « La confiance ». Elle constitue indubitablement le socle de l’adhésion du groupe au projet collectif porté par ses leaders. Ensuite « L’autorité ». À la différence de la domination brutale, elle peut être considérée comme la forme spécifiquement humaine de l’exercice du pouvoir.
Bien que chaque être humain puisse développer le sens des responsabilités et l’aptitude au discernement moral, le développement de nos sociétés est bien souvent guidé par l’action de quelques individus qui ouvrent la voie et donnent l’exemple. Ces leaders ont en commun une capacité à influencer la marche du monde et à entraîner avec eux les autres dans l’objectif d’améliorer l’efficience des organisations auxquelles ils appartiennent: entreprises, organisations associatives et culturelles ou administrations publiques.
Il s’agit d’une capacité à repenser le système en place et à anticiper ses évolutions pour les rendre possibles. En stimulant notre capacité collective à redonner de la perspective et de l’espérance, le leadership révèle sa capacité à créer un monde auquel les autres veulent appartenir. Il se fonde sur une capacité à diagnostiquer et à comprendre le monde actuel, afin de concevoir et d’incarner le monde voulu. Face à la menace, le leader – qu’il agisse dans le domaine économique, politique, culturel, spirituel ou scientifique – a ainsi pour rôle d’impulser la mobilisation générale.
Dans ce nouveau siècle, les leaders devront entraîner et susciter l’adhésion, faire émerger de nouveaux paradigmes, de nouvelles façons de fonctionner, de travailler. Dans toutes les organisations, politiques, économiques, associatives, de plus en plus de dirigeants ont pris conscience du rôle qui est le leur dans la transformation de nos modèles.
Le leadership doit ainsi répondre avec pertinence aux exigences de son temps. Il est plus complexe aujourd’hui parce que ballotté dans les crises et transformations globales d’une mondialisation avancée. Le dirigeant a l’impérieuse obligation de s’y adapter en proposant de nouvelles configurations managériales, de nouvelles formes d’échanges, des stratégies économiques innovantes et des valeurs conformes aux aspirations de la société contemporaine. Il doit ainsi dépasser la simple vocation utilitaire et financière et l’enrichir d’une vision claire. Ainsi, le leader ne serait-il pas celui qui permet à celles et ceux qui le suivent de s’affranchir des rivalités grâce à un projet et une identité collective dépassant les intérêts individuels?
Les dirigeants du 21ème siècle devront aussi répondre à une attente nouvelle en matière d’exercice de la responsabilité et donc de l’autorité. Ils sont confrontés à une aspiration paradoxale: on les désire plus proches, plus sincères, toujours bienveillants, tout en attendant d’eux une autorité forte et rassembleuse. Une des tâches du leader consiste à aider ses collaborateurs à passer ces étapes contradictoires: leur proposer un cadre, tout en leur enseignant l’esprit d’initiative pour qu’ils atteignent une liberté nouvelle et qu’ils réalisent pleinement leur potentiel. En conséquence, les leaders de demain devront comprendre l’homme, le réconcilier avec sa communauté de destin et avec lui-même, pour lui redonner un rôle au service du collectif. « Le chef est un absorbeur d’inquiétude et un diffuseur de confiance » dit Pierre de Villiers (Qu’est ce qu’un chef? 2018).
C’est tout l’idée du concept de leadership « partagé » ou « distribué » qui a commencé à recevoir une attention croissante au début du 21ème siècle. Le leadership n’est pas seulement un processus vertical, « top-down » (de haut en bas) entre le leader formel et les membres de l’équipe, il peut y avoir plusieurs leaders au sein d’un même groupe et le leadership est ainsi une toile entremêlée entre les individus qui ont des activités et des interactions plus ou moins étendues selon les situations. Ce concept se traduit par l’encouragement de la participation des employés à faire preuve de leadership et à prendre des décisions dans l’objectif d’une action collective fédérée autour des objectifs de l’organisation.
Le temps où le dirigeant décidait seul semble en tout cas bel et bien révolu, pas forcément encore dans les faits, mais en tout cas dans les modèles. Le leadership a changé de nature, et les modèles de management admis sont de moins en moins pertinents. Il s’agit de remettre la personne au centre des préoccupations et de répondre au risque de déshumanisation par le souci des autres et l’intelligence du cœur.
L’exercice du leadership n’a au fond jamais été plus compliqué, d’autant qu’il est désormais, dans l’entreprise comme dans d’autres institutions, en contact direct avec le public: l’organisation fait de moins en moins écran autour du dirigeant, qui doit assumer sa responsabilité pour convaincre ses interlocuteurs. Cette désintermédiation du leadership est un véritable défi pour l’entreprise. Le dirigeant, premier média de sa marque, devient ambassadeur de la mission de son entreprise. On attend de lui qu’il s’engage et incarne son organisation.