XVIIème Session – En guise de conclusion…
EN GUISE DE CONCLUSION
« Il faut donner quelque chose à aimer, et leur donner à aimer la France »
Simone Weil, L’Enracinement, 1943
Comment clore ce cahier préparatoire sinon par l’essentiel, qui fait notre union, notre pays et les valeurs qu’il porte. La France ne se limite pas à une idée, à un simple espace géographique ou, encore, à un corpus de valeurs. La France est, avant tout, un patrimoine vivant.
La nature l’a faite belle et l’Histoire l’a faite grande. Chaque Français est dépositaire de cette richesse, mais aucun n’en est propriétaire. C’est important de se le rappeler. Ne tirons, donc, aucune gloire personnelle de son rayonnement; à l’inverse, ne nourrissons pas, non plus, de complexes pour ses difficultés. Appliquons- nous, en revanche, à explorer, sans relâche, les replis intimes de son âme, ses forces comme ses faiblesses, pour préparer son avenir.
Cette exploration nous fera découvrir un aspect bien singulier de la France. D’un côté, certains de ses instincts – tels la soif de liberté ou l’ouverture aux autres pays – se retrouvent à toutes les étapes de sa construction, brossant le portrait d’une figure inaltérable et universelle. D’un autre côté, ses contradictions, ses sautes d’humeur et son génie créatif en font une réalité inattendue et changeante, qui ne peut se laisser enfermer dans une classification étriquée. Il y a là les deux faces d’une même médaille, qui toutes deux doivent être aimées, également.
La France est un acte d’amour. Il s’agit d’une dimension essentielle. La patrie ne s’épanouit que parce qu’il y a des hommes et des femmes capables d’un attachement lucide, qui fasse une place à l’amour autant qu’à la raison. Pour Romain Gary « La France, c’était du fait à la main, à tous les points de vue, dans tous les domaines, patiemment, avec respect de la qualité et de l’œuvre » (43) mais la France a aussi longtemps été un horizon salutaire où les plus belles vertus pouvaient trouver refuge. Oui, la France est belle par son histoire, par sa culture, par son terroir, par son génie, par ses valeurs, par ce qu’elle est, par ce qu’elle fait. En ces temps – qui ne sont pas les premiers –, où la France est attaquée, elle demande et mérite plus que jamais notre attention fidèle et notre engagement, plein et entier.
Comment ne pas consacrer une partie spécifique aux valeurs portées par la devise nationale « Liberté, Égalité, Fraternité »? La devise française n’a rien de banal et d’anecdotique.
Est-ce à dire, comme a pu l’exprimer Philippe Séguin, dans un célèbre discours à la tribune de l’Assemblée Nationale le 5 mai 1992, qu’il existe « une République française comme il y eut une République romaine » ? Une République ayant pour « maxime originelle la souveraineté du peuple, l’appel de la liberté, l’espérance de la justice, elle-même inséparable de la dignité de la personne humaine et de son émancipation, de l’Etat de droit, de l’équité et de l’égalité des chances. Inséparable aussi de la solidarité nationale, de l’ambition collective nationale, de l’esprit national, de l’indépendance nationale. Inséparable enfin de l’État qui, en son nom, doit arbitrer, rendre la justice, attaquer inlassablement les privilèges, combattre les féodalités, accorder la primauté aux mérites et à la vertu. »
Assimilée tantôt à une façon de vivre et de penser, tantôt à une façon d’être un homme, la France s’est souvent trouvé dépouillée de sa réalité géographique pour s’accomplir dans l’expression d’un idéal humain que la disparition progressive des grandes idéologies collectives à fini par éroder engendrant une forme de dépression collective chez les français. Un sentiment qui empêche le pays de mettre en avant ce qui pourrait constituer la trame d’un nouveau récit, politique, économique et social qui, loin de la maintenir dans le passé, la propulserait vers l’avenir.
Que sont devenues les valeurs du pays – Liberté, Egalité, Fraternité – dans le siècle qui s’ouvre? Quelle vision avons-nous, anciens comme la jeune génération face à cet idéal porté jusque dans le sang par des générations de français?
La crise que le pays traverse est un événement historique dans la mesure où il s’agit d’une expérience commune à tous, au delà de la diversité individuelle. À l’instar d’une guerre sur le territoire national, la pandémie a affecté la liberté de chaque français, imposant des sacrifices qui ont permis, pour la majorité d’entre nous, de préserver notre santé. Pourrait-elle être pour autant un nouveau point de départ pour la société? L’occasion de réaffirmer les valeurs cardinales de la République: garantir l’esprit de liberté, retrouver le goût de l’égalité qui a si souvent été le moteur des transformations de la société française et recouvrer le sentiment de fraternité au sein d’une communauté nationale déchirée ? Le risque élevé de voir progressivement monter dans la société des revendications de plus en plus affirmées et nourries par le sentiment que la situation se dégrade, que la perspective d’un « destin collectif » s’échappe définitivement et que les gouvernements ne sont plus en mesure de réglementer équitablement la société, pourrait-il relancer l’envie de revivifier les principes républicains ?
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(43) La nuit sera calme, Romain Gary, p. 80-81.